La maison de mon enfance a trois chambres à l'étage, et une petite salle pour la douche, le lavabo et une essoreuse. Dans le passage entre les chambres il y a un escabeau qui monte au grenier, aménagé en chambre pour mon frère.
Quand on descend les escaliers, on arrive dans un couloir. A gauche se trouve un placard, les toilettes et la porte vitrée d'entrée ; à droite une petite cave et la porte de la cuisine. En face, tous les manteaux, ceux des grands et ceux des petits à côté, puis la porte pour entrer dans la salle de séjour, qui est grande et rectangulaire avec d'un côté la table autour de laquelle on mange, de l'autre des fauteuils, un divan, la télé.
Devant la maison, un petit jardin avec un cérisier qui fait des cérises très rouges, un peu acide. Derrière il y a un jardin un peu plus grand, avec une remise où on met nos vélos, et au fond un arbustre de jasmin et un prunier sur lequel on peut accrocher une balançoire, une balançoire à une corde, attachée au milieu de la planche.
On est cinq dans cette maison; mais souvent on est quatre et le plus souvent on est trois, ou deux, ou un. Je ne sais pas très bien ce qu'on a à faire là ensemble. Et malgré tout le bordel et les conneries qui traînent un peu partout, la maison est un peu vide.
On y apprend l'importance de l'indépendance et de l'intelligence, le noir de l'humour et la méfiance de l'amour. Je ne suis pas forte à ces apprentissages; ça agace ou fait rire, alors j'habite la lune.
Ma chambre est la petite à droite des escaliers; elle donne sur le jardin derrière, et les jours de chance je peux voir de ma fenêtre de tout près des rouge-gorges dans le lierre qui grimpe le long du mur de la remise.
Mais la nuit, derrière le rideau de ma fenêtre se cachent des monstres, et aussi quand je dois aller faire pipi et descendre les escaliers dans le noir. Il y en a partout et je cours pour remonter les marches.
Dans mon lit en bas de la fenêtre je suis allongée les yeux grands ouverts. Je gratte avec le petit doigt dans mon nez des bouts de morve sèche que je colle sur la tapisserie le long de mon lit.
Je continue de m'en débarrasser
Je respire mieux ... sans racines
Venant de nulpart, allant ailleurs